Je sens une nouvelle goutte de sueur glisser sur mon visage. Il ne fait pas spécialement chaud, mais je me suis rarement avancé aussi profondément dans mon monde. La carte à la main j'avance vers la caverne aux Espoirs, même s'il nous reste pas mal d'étapes avant. Comme à son habitude, Ineas trône sur mon épaule et me guide tant bien que mal avec ses ressentis. Parfois je me demande si il n'est pas aussi perdu que moi. Autour de nous, les champignons à idée s'illuminent doucement comme pour nous éclairer le chemin. Nous arrivons à notre prochaine étape. La rivière aux pensées. Ce torrent me terrifie toujours autant. De là où je suis, je n'en vois ni le début, ni la fin. Juste un perpétuel flot sans pause. Un petit pont de bois se dresse avec difficulté au dessus de la rivière. C'est un miracle qu'il soit encore debout. Et c'est évidemment le seul moyen de passer. Je regarde Ineas. Ses yeux confirment mes craintes. Je range la carte dans mon sac, à côté de mon carnet à dessin. Je m'approche ensuite de ce petit pont et sans hésiter j'entame la traversée. Je sens l'écume des pensées tenter de me faire chavirer mais je m'accroche au pont chancelant. J'ai l'impression que cette traversée a duré des heures et des heures. J'ai manqué de peu de me noyer mais au final je suis arrivé sur l'autre rive.
Son calme me déstabilise. Tout est silencieux, en harmonie. J'aperçois au loin mon objectif, l'entrée de la caverne. Elle est si petite. Juste derrière cette immense forêt sombre et dense. La pire de toute. La forêt des distraits. Cette forêt entoure la caverne et relie chaque partie de mon monde. Si j'en crois la carte bien sûr. Il y a certainement du vrai car nous sommes déjà entré dedans plusieurs fois par différents chemins. Nous nous sommes perdu à chaque fois dans ses limbes. Je frissonne. Ineas appuie l'un de ses coussinets contre mon épaule et se met à ronronner doucement. Cela m'apaise un peu. De toute façon je n'ai pas le choix. Un pas après l'autre je m'enfonce doucement dans les profondeurs de la forêt. Tout est sombre à l'intérieur mais je distingue très nettement les silhouettes nues et masculines qui tentent de me faire dériver de ma trajectoire. Certaines y parviennent un temps, plus ou moins long. Elles attisent des envies sombres et sensuelles et font monter la température de mon corps. Mais Ineas veille à ce que je reste concentré sur mon objectif, la caverne. Après un temps infini nous arrivons enfin à l'entrée de la caverne. Enfin ! Le plus dur est derrière nous. Ineas feule en fixant l'entrée noire avec inquiétude. Vraisemblablement je me trompe.
Illustration: Teddymiumium
Texte : Teddy Guyot ( Les Mondes de Ted)